Profession "charinier"

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† graffit
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Re: Profession "charinier"

Messagepar † graffit » 26 févr. 2015 10:12

Bonjour,
lecleiremichel a écrit : mais si ce mot "charin" vient du Cambraisis, je ne vois pas le rapport qu'il peut avoir avec la Flandre où le charron est... un charron.
Je n'ai jamais dit que le charin était un mot du Cambrésis

Dans un dictionnaire de mots anciens
un charin(on dit aussi carin) est un chariot
Une chariote est une petite cariole
Un chariotteur est un charron

En vocabulaire plus récent
un charron est un fabricant de chariot
un voiturier un transporteur de marchandises au moyen de charrettes ou de chariots

Voilà pourquoi je suggérais que le charinier soit celui qui conduit un charin

Qu'un mot d'ancien français soit utilisé en Flandre au 18ème siècle dans un acte rédigé en français Est-ce vraiment si étrange?

Je crois qu'il faut étudier un peu l'histoire locale pour voir si beaucoup de tisserands exerçaient une autre profession.
Il était fréquent que le tissage soit une activité complémentaire exercée dans les périodes où il n'y avait pas de travaux agricoles et qui n'avait aucun rapport avec le travail de tissage
Amicalement Graffit :D

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prouz
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Re: Profession "charinier"

Messagepar prouz » 26 févr. 2015 10:24

Bonjour !

le nom propre Charinier apparait dans un texte écrit en vieux français de Claude Fauchet écrit en 1610 :

https://books.google.be/books?id=wGA3TV ... er&f=false

Ce personnage est nommé Evèque de Verdun ... ce qui exclut, me semble t'il, une acceptation régionaliste du nom et par raccroc du métier ...

Bien à vous tous !

Pierre

prouz
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Re: Profession "charinier"

Messagepar prouz » 26 févr. 2015 10:57

Bonjour (suite) !

Je suis personnellement très preneur de la proposition de Graffit. Charin/carin figure effectivement dans le dictionnaire du Moyen Français (http://www.cnrtl.fr/definition/dmf/CHARIN) avec la définition de chariot/charroi et par extension de chemin parcouru .. Il me semble donc très vraisemblable qu'un Charinier ait été un charretier, ce qui est très vraisemblable pour un tisserand qui doit livrer sa production (et celle des autres tisserands du lieu) ...

cordialement

Pierre

pdebreu
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Re: Profession "charinier"

Messagepar pdebreu » 26 févr. 2015 14:18

Bonjour à tous

Je suis du même avis que graffit et Pierre à propos du rapport avec un chariot. Mais à une nuance près : je pense que charinier n'a rien avoir avec le métier de tisserand. Le développement de l'industrie textile dans les campagnes au XVIIIème a été suscité par le désir des grands négociants de contourner le monopole des corporations, pour les ruraux l'activité textile a été essentiellement une activité complémentaire dans les périodes de moindre activité.

Je n'ai jamais rencontré le terme de charinier, en revanche j'ai rencontré les termes de charreton ou "carton", c'était l'employé qui dans une exploitation importante était chargé d'un attelage. Ici le vicaire avait noté au départ tisserand, j'imagine que c'est le parrain (aïeul paternel) ou le père qui ont souhaité apporter une précision.

Pour en revenir au développement de l'industrie textile à la campagne je n'ai pas retrouvé l'ouvrage où on expliquait que la Flandre, qui jouissait au Moyen-Age d'une excellente réputation en terme de textile ou de fabrication des draps, a perdu cette réputation à cause du développement d'une industrie "de masse", au détriment de la qualité. Mais j'ai retrouvé une allusion à ce phénomène dans l'ouvrage de Alain Lottin et Philippe Cuignet, paru à Artois Presses Université : "Histoire des provinces françaises du Nord – De Charles Quint à la Révolution Française (1500-1789)" [pages 376-378]. Ce passage parle des années 1700-1800.
L'affaiblissement du lien social
La crise des villes manufacturières attisée par la politique royale de libéralisation

Les villes, dont une part significative de la population active se consacrait au travail textile, furent confrontées à une crise grave. L'éradication urbaine des activités productrices au profit du plat pays fut radicale dans les villes de la « mulquinerie » hennuyère où l'activité textile se rétrécit telle une peau de chagrin.
Pour les producteurs urbains, la responsabilité des négociants dans le départ des ateliers est clairement engagée. A Valenciennes, le milieu du siècle une fois franchi, le ton monte. En 1762, les mulquiniers diffusent une prise de position virulente contre les négociants qui « retiennent à eux tout le bénéfice ». selon les tisserands aux abois, « le peu de faculté du plus grand nombre des fabricants de la campagne les oblige à vendre au fur et à mesure qu'ils fabriquent, ils n'ont pas la force ni les débouchés, comme avaient les fabricants de la ville pour se défaire avantageusement de leurs toilettes, ils sont obligés de passer par les mains des négociants ». Le Magistrat de la ville, soucieux du plein emploi de la population, n'est pas le moins enclin à instruire le procès du grand négoce. […] C'est dire que les échevins refusent de se faire les fourriers ou les complices de la suprématie du grand négoce. Au demeurant, ils peuvent ralentir la marche des processus économiques, mais ils sont impuissants à en renverser le cours, dès lors que les pressions concurrentielles invitent à comprimer les coûts par le recours à une main d'oeuvre rurale moins chère et que le pouvoir central est acquis à l'idée d'une nécessaire libéralisation de la production.
[...]
Dans le même passage, un peu plus loin, il est indiqué que les maitres-artisans étaient à Lille plus de 600 au milieu du 17ème siècle, moins de 250 un siècle plus tard, et 168 en 1782 ; soit une baisse de plus de 70 %

Amitiés

Pierre

PS Je ne crois pas non plus à un rapport avec le chanvre : à ma connaissance l'arrondissement de Dunkerque produisait du lin, un peu de laine, et - au 18ème - importait de Picardie ou d'Artois des ballots de laine à carder et tisser. Alors si le charinier était un métier en rapport avec le métier de tisserand, ce pourrait à la rigueur être la personne qui allait chercher ces ballots pour lui et ses voisins - mais je n'y crois pas trop

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† graffit
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Re: Profession "charinier"

Messagepar † graffit » 26 févr. 2015 14:59

Bonjour Pierre,

Merci.
C'était donc bien en Flandre comme dans le Cambraisis,le tisserand avait souvent une deuxième profession n'ayant aucun lien avec le métier de tisserand
pdebreu a écrit :Je n'ai jamais rencontré le terme de charinier, en revanche j'ai rencontré les termes de charreton ou "carton", c'était l'employé qui dans une exploitation importante était chargé d'un attelage
Pourtant comme je le disais dans mon premier message,le carin n'a pas disparu du vocabulaire puisque dans les villages d'Avesnois,chaque maison ou presque avait son carin pas pour y remiser un chariot mais pour ranger outils de jardin,brouette,bois....
Amicalement Graffit :D

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† lecleiremichel
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Re: Profession "charinier"

Messagepar † lecleiremichel » 26 févr. 2015 15:20

Re tertous et merci aux 2 Pierre pour leur contribution à ce sujet.
Je vais rester sur l'idée du chariot initiée par Graffit (charinier = conducteur de chariot) mais en gardant quand même une certaine inclinaison pour le métier de tisserand.
En effet, sur un métier à tisser, il y a aussi un....... chariot (voir lien) alors pourquoi pas le charinier celui qui est chargé de s'en occuper ?
http://www.linguee.fr/francais-allemand ... ariot.html
Bonne journée à tous. :lol: Michel
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Re: Profession "charinier"

Messagepar pdebreu » 26 févr. 2015 15:41

Bonjour graffit et Michel

En fait graffit et moi disons je pense la même chose
pdebreu a écrit :Je n'ai jamais rencontré le terme de charinier, en revanche j'ai rencontré les termes de charreton ou "carton", c'était l'employé qui dans une exploitation importante était chargé d'un attelage
Je faisais là allusion à mon expérience personnelle = mes propres recherches, exclusivement dans l'arrondissement de Dunkerque pour ce qui est du Nord. Je n'y ai pas rencontré le terme de "carin" mais celui de "carton", qui me semble avoir la même étymologie. Je pense que vu l'importance numérique de la classe paysanne on avait tendance à être un peu plus précis. Je rencontre souvent des "journaliers", des "manouvriers", mais aussi des "pâtres", des "bergers", des "pauvres hommes", des "laboureurs", des "ménagers", des "petits propriétaires", des "laboureurs-propriétaires"...

Pour ce qui est de la similitude de la Flandre, du Hainaut, de l'Avesnois(?) et du Cambrésis : l'ouvrage de Alain Lottin cité plus haut parle bien des uns et des autres ("les provinces du Nord"), les mêmes causes (en l'occurrence les mesures libérales préconisées entre autres par Turgot) y ont d'après lui produit les mêmes effets. ouvrage très intéressant...

Remarque pour Michel (avec qui mon message s'est croisé) : quand le tisserand exerçait en milieu rural c'était dans un cadre familial. Pas besoin d'un artisan chargé de fabriquer exclusivement les chariots/les navettes des métiers à tisser. Vu la rapidité d'usure du matériel une telle personne aurait du mal à se constituer une clientèle.

Pour moi la seule question en suspens est de savoir si le charinier est un conducteur d'attelage spécialisé dans les exploitations agricoles (pour rentrer le foin, les récoltes...), ou si par hasard ce serait la personne chargée d'aller en Artois chercher la matière première (=de la laine ?) pour approvisionner les tisserands. Cette dernière idée : un échange sur GenNPdC il y a quelques années, où il était question je crois de la qualité de la laine. Pour la première hypothèse il y a le fait que ça existe (j'en ai rencontré). Contre la seconde hypothèse il y a le fait que je ne crois pas que ce soit un emploi à plein temps, mais après tout je n'ai pas de certitudes.

Amitiés

Pierre
Modifié en dernier par pdebreu le 26 févr. 2015 15:53, modifié 1 fois.

patdau

Re: Profession "charinier"

Messagepar patdau » 26 févr. 2015 15:50

Bonjour,

pour des termes anciens, ou inconnus et inusités de nos jours, je vous conseillerais le site :

http://micmap.org/dicfro/search

Le charinier y est inconnu, mais le Charin ou carin et charrin, le sont.

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† graffit
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Re: Profession "charinier"

Messagepar † graffit » 26 févr. 2015 17:50

Bonsoir à tous,
pdebreu a écrit :Pour moi la seule question en suspens est de savoir si le charinier est un conducteur d'attelage spécialisé dans les exploitations agricoles (pour rentrer le foin, les récoltes...), ou si par hasard ce serait la personne chargée d'aller en Artois chercher la matière première (=de la laine ?) pour approvisionner les tisserands. Cette dernière idée : un échange sur GenNPdC il y a quelques années, où il était question je crois de la qualité de la laine. Pour la première hypothèse il y a le fait que ça existe (j'en ai rencontré).
Peut-être une réponse sur le site de Quiévy qui décrit le travail des tisserands de Quiévy
Cliquer ici
Amicalement Graffit :D

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pdebreu
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Re: Profession "charinier"

Messagepar pdebreu » 26 févr. 2015 22:24

Bonsoir
patdau a écrit :pour des termes anciens, ou inconnus et inusités de nos jours, je vous conseillerais le site :

http://micmap.org/dicfro/search

Le charinier y est inconnu, mais le Charin ou carin et charrin, le sont.
Il y a aussi le site du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales : http://www.cnrtl.fr/definition/ qui a l'avantage de permettre la recherche simultanée d'un terme dans l'ensemble des sources
Dans le bandeau sélectionner "Portail lexical" puis "Lexicographie" ; voir aussi la liste des sources prises en compte sous "Corpus", "Lexiques" et "Dictionnaires"
"Charinier" n'y est pas, par contre on trouve "charretier" et "charreton" qui sont absents du dictionnaire "Godefroy"

Maintenan,t si on compare avec les mots "charette" et "charretier", on peut supposer que le "charinier" est celui qui conduit un "charin", et que par conséquent c'est un synonyme
graffit a écrit :Peut-être une réponse sur le site de Quiévy qui décrit le travail des tisserands de Quiévy
Intéressant cet article. La fabrication des métiers à tisser nécessite effectivement des artisans spécifiques :
Les autres professions, relevées sur les registres d’état-civil de cette époque, se répartissaient entre: censier (fermier), valet de charrue, berger, meunier, gorlier (bourrelier), menuisier, maçon, cordonnier, maréchal-ferrant, rosier (rôtier, c’est-à-dire fabricant de rôts qui étaient des lamelles en bois ou en métal constituant les peignes des métiers à tisser), tonnelier, couvreur de paille, garçon-brasseur, fileur de tabac, journalier, marchand de toilettes (produits tissés), maître d’école, fileuse, ménétrier, (joueur de violon), tailleur.
Mais le transfert de la matière première en nécessite-t-elle un ?
Près de 80 à 85 % de la main-d’oeuvre locale était occupée à cette tâche qui nécessitait de nombreuses opérations préalables: le filage, le bobinage, le canetage, l’ourdissage, parfois l’encollage, le tout aboutissant au tissage proprement dit.
A cette époque(XVIIIème siècle), les ouvriers tisseurs partaient le samedi soir, à pied, au "PAYS D’ARTOIS" comme ils disaient, parcourant une quarantaine de kilomètres afin d’acheter de la matière aux fileurs artésiens.
On peut peut-être faire un parallèle avec les "bons" bouchers, j'ai souvent entendu dire que ceux-ci étaient ceux qui allaient choisir eux-même leurs bêtes
BHGary a écrit :Il s'agit bien du métier de charinier, comme indiqué dans l'acte de baptême de l'enfant né en 1772 page 814
Oui, le vicaire utilise à nouveau le terme mais c'est toujours le même couple (acte en haut à gauche) : http://www.archivesdepartementales.leno ... mg_num=814

Bonne soirée. Amitiés

Pierre

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